Notes du quatrième entretien.

Note I.

Il faut même remarquer que la philosophie ancienne avait préludé à ce précepte. Pythagore disait: IMITEZ DIEU. Platon, qui devait tant de choses à cet ancien sage, a dit: Que l'homme juste est celui qui s'est rendu semblable à Dieu autant que notre nature le permet. (Polit. X, opp. T.) et réciproquement, que rien ne ressemble plus à Dieu que l'homme juste. (In Theaet. opp., tom. II, p. 122.) Plutarque ajoute que l'homme ne peut jouir de Dieu d'une manière plus délicieuse qu'en se rendant, autant qu'il le peut, semblable à lui par l'imitation des perfections divines. (De sero Num. vind., l. IV.)

Note II.

La ressemblance qui existe entre l'homme et son Créateur est celle de l'image au modèle. Sicut ab exemplari, non secundum aequalitatem. (S. Thomas, Summa Theol., I. part, 93, art. I.) Voyez sur cette ressemblance, Noël Alex., (Hist. eccles., Vet. Test. cet. mund., I, art. 7, Prop II.) Si quelqu'un nous fait dire qu'un homme ressemble à son portrait, l'absurdité est toute à lui: car c'est le contraire que nous disons.

Note III.

Axiome évident et véritablement divin! Car la suprématie de l'homme n'a pas d'autre fondement que sa ressemblance avec Dieu. (Bacon, in Dial. de bello sacro. Works, tom. X, p. 311.) Il attribue cette magnifique idée à un théologien espagnol, nommé François Vittoria, mort en 1532, et à quelques autres. En effet, Philon et quelques pères et philosophes grecs en avaient tiré parti depuis longtemps, comme on peut le voir dans le bel ouvrage de Pétau. (De VI dier. opif., lib. II, cap 2-3. Dogm. theol., Paris, 1644, in-fol., tom. III, pag. 296, seq.)

Note IV.

La bibliothèque de Voltaire fut, comme on sait, achetée après sa mort par la cour de Russie. Aujourd'hui elle est déposée au palais de l'Ermitage, magnifique dépendance du palais d'hiver, bâtie par l'impératrice Catherine II. La statue de Voltaire, exécutée en marbre blanc par le sculpteur François Houdon, est placée au fond de la bibliothèque et semble l'inspecter. Cette bibliothèque donne lieu à des observations importantes qui n'ont point encore été faites, si je ne me trompe. Je me souviens, autant qu'on peut se souvenir de ce qu'on a lu il y a cinquante ans, que Lovelace, dans le roman de Clarisse, écrit à son ami: Si vous avez intérêt de connaître une jeune personne, commencez par connaître les livres qu'elle lit. Il n'y a rien de si incontestable; mais cette vérité est d'un ordre bien plus général qu'elle ne se présentait à l'esprit de Richardson. Elle se rapporte à la science autant qu'au caractère, et il est certain qu'en parcourant les livres rassemblés par un homme, on connaît en peu de temps ce qu'il sait et ce qu'il aime. C'est sous ce point de vue que la bibliothèque de Voltaire est particulièrement curieuse. On ne revient pas de son étonnement en considérant l'extrême médiocrité des ouvrages qui suffirent jadis au patriarche de Ferney. On y chercherait en vain ce qu'on appelle les grands livres et les éditions recherchées surtout des classiques. Le tout ensemble donne une idée d'une bibliothèque formée pour amuser les soirées d'un campagnard. Il faut encore y remarquer une armoire remplie de livres dépareillés dont les marges sont chargées de notes écrites de la main de Voltaire, et presque toutes marquées au coin de la médiocrité et du mauvais ton. La collection entière est une démonstration que Voltaire fut étranger à toute espèce de connaissances approfondies, mais surtout à la littérature classique. S'il manquait quelque chose à cette démonstration, elle serait complétée par des traits d'ignorance sans exemple qui échappent à Voltaire en cent endroits de ses oeuvres, malgré toutes ses précautions. Un jour peut-être il sera bon d'en présenter un recueil choisi, afin d'en finir avec cet homme.

Note V.

Pythagore disait, il y a près de vingt-cinq siècles, qu'un homme qui met le pied dans un temple sent naître en lui un autre esprit. (Sen. Ep. mor. XCIV.) Kant, dans nos temps modernes, fut un exemple du sentiment contraire. La prière publique et les chants religieux le choquaient. Lautes beten und singen war ihm zuwider. Voy. la notice sur Kant, tirée du Freymüthig, dans le Correspondant de Hambourg du 7 mars 1804, no. 38. C'était un signe de réprobation dont les Allemands penseront ce qu'ils voudront.

Note VI.

Nihil fuerit quod non necesse fuerit, et quidquid fieri possit, id, aut esse jam aut futurum esse... nec magis immutabilis ex vero in falsum, necatus est Scipio, quam necabitur Scipio, etc., etc. (Cicer., de fato, cap IX.)

Note VII.

Il n'y a rien de si connu que ce texte d'Aristote qu'on lit dans le livre De Caelo, cap. VII, où il dit en effet que cette garniture que nous pourrions appeler la plombine, s'échauffait dans les airs au point de fondre, ##ooste teketha. Les auteurs latins attribuent le même phénomène à la balle de plomb échappée de la fronde.
    Non secus exarsit quam quum Balearica plumbum
    Funda jacit. Volat illud et incandescit eundo;
    Et quos non habuit sub nubibus invenit ignes.
(Ovid. Met.)
    Glans etiam (plumbea) longo cursa volvenda liquescit.
(Lucr.)

Liquescit excussa glans funda et attritu aeris velut igne distillat. (Sen. Nat. quaest. II, 57.)

    Et media adversi liquefacto tempora plumbo
    Diffidit.
(Virg., Aen., IX, 88.)
M. Heyne a dit sur ce vers: Non quasi plumbum funda emissum in aere liquefieri putarint, quod portentosum esset; set inflictum et illisum duris ossibus, etc. Il y aurait peu de difficulté si ce texte était unique, ou si Aristote, Sénèque, Lucrèce et Ovide même n'avaient pas parlé en physiciens.

Note VIII.

J'observe sur ce mot qu'on trouve chez les anciens Romains de véritables Rogations, dont la formule nous a été conservée.

Mars pater, te precor, quaesoque uti tu morbos visos invisosque, viduertatem, vastitudinem, calamitatem, intemperiasque prohibessis; uti tu fruges, frumenta, vineta, virgultaque gradire, beneque evenire sinas; pastores, pascuaque salva servassis. (Cato, de R. R., c. 41.)

Note IX.

On peut trouver un peu de caricature dans cette citation de mémoire, mais le sens est présenté très exactement. Voici les propres paroles de Herder. - C'est une plainte bien peu philosophique que celle de Voltaire à propos du renversement de Lisbonne, dont il se plaint à la divinité d'une manière qui est presque un blasphème. (Voyez le bon chrétien!) Ne sommes-nous pas, nous et tout ce qui nous appartient, et même notre demeure, les débiteurs de la terre et des éléments? Et si, en vertu des lois de la nature, ils nous redemandent ce qui est à eux... qu'arrivera-t-il autre chose que ce qui doit arriver en vertu des lois éternelles de la sagesse et de l'ordre? (Herders Ideen für die Philosophie der Geschichte der Menschheit, tom. I, liv. I, chap. 5.)

Note X.

Tuere nos, Domine, quaesumus,... et terram quam videmus nostris iniquitatibus trementem, superno munere firma; ut mortalium corda cognoscant et, te indignante, talia flagella prodire, et, te miserante, cessare. (Voy. le Rituel.)

Denis Constales - dcons@world.std.com - http://world.std.com/~dcons/