Les dessins de Louis Bertrand pour Gaspard de la Nuit.

Les dix-sept dessins originaux de Louis Bertrand que nous reproduisons appartiennent à la bibliothèque de la ville d'Angers, qui les a reçus en don de Mme Robert David d'Angers, veuve du fils du grand sculpteur. Ils ont donc une parfaite authenticité et leur origine est la même que celle du manuscrit de Gaspard de la Nuit, recueilli par David. Au manuscrit autographe étaient encore joints, lors de la vente Jules Claretie, « trois feuilles d'instructions pour le metteur en pages et pour l'illustration ». D'autre part, Sainte-Beuve nous a dit que lorsque Renduel projeta, en 1836, son édition, « L'éditeur comme l'auteur y désirait un certain luxe, des vignettes ». Il est bien probable que nos dessins étaient destinés à cette illustration. Celui que nous avons classé sous le no. 1 le donne à penser nettement, car Bertrand y a inscrit l'indication: Paris, Eugène Renduel, libraire-éditeur, quai des Grands-Augustins, 22. - 1836.

Toutefois, ces dessins, qui ne sont pour la plupart que des croquis, ne sauraient, en général, être attribués à l'illustration de tel ou tel poème - et ils devaient n'être que des vignettes ou des culs-de-lampe. Ils présentent, d'ailleurs, plus d'intérêt au point de vue documentaire qu'au point de vue artistique.

Sont-ils inédits ? Peut-être et même très probablement. Les plus sûrs bibliophiles romantiques que nous avons consultés les ignorent. Mais il nous semble bien cependant avoir eu déjà sous les yeux la reproduction de deux au moins de ces dessins, le no. 1 et le no. 14, sans avoir pu retrouver aucun renseignement à ce sujet.


Nos. 1, 2, 3. - Ces trois dessins reproduisent une même figure de soudard, - borgne dans les nos. 2 et 4 - et intitulés Maribas. On retrouve ce nom dans la pièce intitulée le Sabbat (IX. École flamande). « Et lorsque Maribas riait ou pleurait, on entendait comme geindre un archet sur les trois cordes d'un violon démantibulé. » - Le no. 2 devait servir de frontispice à l'édition Renduel, 1836.

Nos. 4, 5. - Deux figures de truands, dont le premier désigné sous le nom de Vieille-Peau, dit l'Amour.

No 6. - Une trogne grotesque, à collerette, et dénommée Brin d'Amour, dite la Belle Ecaillière.

Nos. 7, 8. - Deux dessins différents d'une même tête de vieux moine (?) ou d'avare, chauve, barbu et revêche.

No. 9. - Un couple à une fenêtre : une femme accoudée, dont le geste est peu compréhensible. Pourrait se rapporter à la pièce la Sérénade (VII. Le Vieux Paris), « Approchez, mon mignon, que je vous glisse ma clef au noeud d'un ruban. » Près d'elle, un homme sombre, chevelu et barbu. En marge, des croquis de mains et de jambes.

No.10. - Un pierrot assis, jambe repliée, joue de la guitare.

Nos. 11, 12, 13. - Trois dessins fantastiques et lunaires. Une même lune ronde aux traits mélancoliques, devant laquelle se silhouettent, dans l'un, une cloche, dont le battant est un pendu; - dans le second, le battant seul de la cloche, singulièrement personnifié; - dans le troisième, assez élégant et mieux composé, un petit pendu, avec un fond de clocher et de maisons. « Il me semblait que la lune, grimant sa face, me tirait la langue comme un pendu. » (V. La Nuit et ses Prestiges).

No. 14. Il semble bien qu'on doive reconnaître dans ce dessin sommaire le poète enveloppé étroitement dans une couverture, étendu sur un lit à baldaquin. Faut-il rapprocher de ce croquis le texte de la pièce Il de la Nuit et ses Prestiges: « Tu auras pour linceul les bandelettes tachetées d'or d'une peau de serpent, dont je t'emmailloterai comme une momie. »

Nos. 15, 16, 17. - Trois paysages romantiques, dont deux ont quelque similitude, un même pont, dans le lointain, de beaux arbres mélancoliques.


Une seule pièce, le no. 2, Maribas, est signée Ludovic Bertrand.
E.P.

Denis Constales - dcons@world.std.com - http://world.std.com/~dcons/