Gaspard de la Nuit - Compléments.

                         À M. SAINTE-BEUVE.



                                        Je prierai les lecteurs de ce
                                mien labeur qu'ils veuillent prendre en
                                bonne part tout ce que j'y ai écrit.
                                        Mémoires du SIRE DE
                                        JOINVILLE.


        L'homme est un balancier qui frappe une monnaie à son coin. Le
quadruple porte l'empreinte de l'empereur, la médaille, du pape, le
jeton, du fou.

        Je marque mon jeton à ce jeu de la vie où nous perdons coup sur
coup et où le diable, pour en finir, rafle joueurs, dés et tapis vert.

        L'empereur dicte ses ordres à ses capitaines, le pape adresse
des bulles à la chrétienté, et le fou écrit un livre.

        Mon livre, le voilà tel que je l'ai fait et tel qu'on doit le
lire, avant que les commentateurs ne l'obscurcissent de leurs
éclaircissements.

        Mais ce ne sont point ces pages souffreteuses, humble labeur
ignoré des jours présents, qui ajouteront quelque lustre à la renommée
poétique des jours passés.

        Et l'églantine du ménestrel sera fanée, que fleurira toujours
la giroflée, chaque printemps, aux gothiques fenêtres des châteaux et
des monastères.

        Paris, 20 septembre 1836.





                         PIECES DÉTACHÉES

                EXTRAITES DU PORTEFEUILLE DE L'AUTEUR





                           LE BEL ALCADE.



                                Il me disait, le bel Alcade:
                                « Tant que pendra sur la cascade
                                Le saule aux rameaux chevelus,
                                Tu seras, vierge qui console,
                                Et mon étoile et ma boussole. »
                                Pourquoi pend donc encor le saule,
                                Et pourquoi ne m'aime-t-il plus?
                                        Romance espagnole.


        C'est pour te suivre, ô bel Alcade, que je me suis exilée de la
terre des parfums, où gémissent de mon absence mes compagnes dans la
prairie, mes colombes dans le feuillage des palmiers.

        Ma mère, ô bel Alcade, tendit de sa couche de douleurs la main
vers moi; cette main retomba glacée, et je ne m'arrêtai pas au seuil
pour pleurer ma mère qui n'était plus.

        Je n'ai point pleuré, ô bel Alcade, lorsque le soir, seule avec
toi et notre barque errant loin du bord, les brises embaumées de ma
patrie traversaient les flots pour venir me trouver.

        J'étais, disais-tu alors dans tes ravissements, ô bel Alcade,
j'étais plus charmante que la lune, sultane de sérail aux mille lampes
d'argent.

        Tu m'aimais, ô bel Alcade, et j'étais fière et heureuse: depuis
que tu me repousses je ne suis plus qu'un humble pécheresse qui
confesse en pleurant la faute qu'elle a commise.

        Quand donc, ô bel Alcade, sera-t-elle écoulée, ma source de
larmes amères? Quand l'eau de la fontaine du roi Alphonse ne sera plus
vomie par la gueule des lions.




                          L'ANGE ET LA FÉE.



                        Une fée est cachée en tout ce que tu vois.
                                VICTOR HUGO.


        Une fée parfume la nuit mon sommeil fantastique des plus
fraîches, des plus tendres haleines de juillet, - cette même bonne fée
qui replante en son chemin le bâton du vieil aveugle égaré, et qui
essuie les larmes, guérit la douleur de la petite glaneuse dont une
épine a blessé le pied nu.

        La voici, me berçant comme un héritier de l'épée ou de la
harpe, et écartant de ma couche avec une plume de paon les esprits qui
me dérobaient mon âme pour la noyer dans un rayon de la lune ou dans
une goutte de rosée.

        La voici, me racontant quelqu'une de ses histoires des vallées
et des montagnes, soit les amours mélancoliques des fleurs du
cimetière, soit les joyeux pèlerinages des oiseaux à
Notre-Dame-des-Cornouillers.

                                  *
                                *   *

        Mais tandis qu'elle me veillait endormi, un ange, qui
descendait les ailes frémissantes, du temps étoilé, posa un pied sur la
rampe du gothique balcon, et heurta de sa palme d'argent aux vitraux
peints de la haute fenêtre.

        Un séraphin, une fée, qui s'étaient enamourés naguère l'un de
l'autre au chevet d'une jeune mourante, qu'elle avait douée à sa
naissance de toutes les grâces des vierges, et qu'il porta expirée dans
les délices du Paradis!

        La main qui berçait mes rêves s'était retirée avec mes rêves
eux-mêmes. J'ouvris les yeux. Ma chambre aussi profonde que déserte
s'éclairait silencieusement des nébulosités de la lune; et le matin, il
ne me reste plus des affections de la bonne fée que cette quenouille:
encore ne suis-je pas sûr qu'elle ne soit pas de mon aïeule.




                              LA PLUIE.



                                Pauvre oiseau que le ciel bénit!
                                Il écoute les vents bruire,
                                Chante, et voit des gouttes d'eau luire
                                Comme des perles dans son nid!
                                        VICTOR HUGO.


       Et cependant que ruisselle la pluie, les petits charbonniers de
la Forêt-Noire entendent, de leur lit de fougère parfumée, hurler au
dehors la bise comme un loup.

       Ils plaignent la biche fugitive que relancent les fanfares de
l'orage, et l'écureuil tapi au creux d'un chêne, qui s'épouvante de
l'éclair comme de la lampe du chasseur des mines.

       Ils plaignent la famille des oiseaux, la bergeronnette qui n'a
que son aile pour abriter sa couvée, et le rouge-gorge dont la rose,
ses amours, s'effeuille au vent.

       Ils plaignent jusqu'au vers luisant qu'une goutte de pluie
précipite dans des océans d'un rameau de mousse.

       Ils plaignent le pèlerin attardé qui rencontre le roi Pialus et
la reine Wilberta, car c'est l'heure où le roi mène boire son palefroi
de vapeurs au Rhin.

       Mais ils plaignent surtout les enfants fourvoyés qui se seraient
engagés dans l'étroit sentier frayé par une troupe de voleurs, ou qui
se dirigeraient vers la lumière lointaine de l'ogresse.

       Et le lendemain, au point du jour, les petits charbonniers
trouvèrent leur cabane de ramée, d'où ils pipaient les grives, couchée
sur le gazon et leurs gluaux noyés dans la fontaine.





                           LES DEUX ANGES.



                Ces deux êtres qu'ici, la nuit, un saint mystère...
                        VICTOR HUGO.


        « Planons, lui disais-je, sur les bois que parfument les roses;
jouons-nous dans la lumière et l'azur des cieux, oiseaux de l'air, et
accompagnons le printemps voyageur. »

        La mort me la ravit échevelée et livrée au sommeil d'un
évanouissement, tandis que, retombé dans la vie, je tendais en vain les
bras à l'ange qui s'envolait.

        Oh! si la mort eût tinté sur notre couche les noces du
cercueil, cette soeur des anges m'eût fait monter aux cieux avec elle,
ou je l'eusse entraînée avec moi aux enfers!

        Délirantes joies du départ pour l'ineffable bonheur de deux
âmes qui, heureuses et s'oubliant partout où elles ne sont plus
ensemble, ne songent plus au retour.

        Mystérieux voyage de deux anges qu'on eût vus, au point du
jour, traverser les espaces et recevoir sur leurs blanches ailes la
fraîche rosée du matin!

        Et dans le vallon, triste de notre absence, notre couche fût
demeurée vide au mois des fleurs, nid abandonné dans le feuillage.




                         LE SOIR SUR L'EAU.


                                Bords où Venise est reine de la mer.
                                        ANDRÉ CHÉNIER.


        La noire gondole se glissait le long des palais de marbre,
comme un bravo qui court à quelque aventure de nuit, un stylet et une
lanterne sous sa cape,

        Un cavalier et une dame y causaient d'amour: - « Les orangers
si parfumés, et vous si indifférente! Ah! signora, vous êtes une statue
dans un jardin!

        - Ce baiser est-il d'une statue, mon Georgio? pourquoi
boudez-vous? - Vous m'aimez donc? - Il n'est pas au ciel une étoile qui
ne le sache, et tu ne le sais pas?

        - Quel est ce bruit? - Rien, sans doute le clapotement des
flots qui monte et descend une marche des escaliers de la Giudecca.

        - Au secours! au secours! - Ah! mère du sauveur, quelqu'un qui
se noie! - Écartez-vous; il est confessé », dit un moine qui parut sur
la terrasse.

        Et la noire gondole força de rames, se glissant le long des
palais de marbre comme un bravo qui revient de quelque aventure de
nuit, un stylet et une lanterne sous sa cape.




                        MADAME DE MONTBAZON.



                                        Mme de Montbazon était une fort
                                belle créature qui mourut d'amour, cela
                                pris à la lettre, l'autre siècle, pour
                                le chevalier de la Rüe qui ne l'aimait
                                point.
                                        Mémoires de SAINT-SIMON.


        La suivante rangea sur la table un vase de fleurs et les
flambeaux de cire, dont les reflets moiraient de rouge et de jaune les
rideaux de soie bleue au chevet du lit de la malade.

        « Crois-tu, Mariette, qu'il viendra? - Oh! dormez, dormez un
peu, Madame! - Oui, je dormirai bientôt pour rêver à lui toute
l'éternité. »

        On entendit quelqu'un monter l'escalier. « Ah! si c'était lui!
» murmura la mourante, en souriant, le papillon des tombeaux déjà sur
les lèvres.

        C'était un petit page qui apportait de la part de la reine, à
Madame la duchesse, des confitures, des biscuits et des élixirs sur un
plateau d'argent.

        « Ah! il ne vient pas, dit-elle d'une voix défaillante, il ne
viendra pas! Mariette, donne-moi une de ces fleurs que je la respire et
la baise pour l'amour de lui! »

        Alors Madame de Montbazon, fermant les yeux, demeura immobile.
Elle était morte d'amour, rendant son âme dans le parfum d'une
jacinthe.




                 L'AIR MAGIQUE DE JEHAN DE VITTEAUX.



                                        C'est sans doute un des
                                coqueluchiers des cornards d'Évreux, ou
                                un de la confrérie des Enfants
                                Sans-Souci de la ville de Paris, ou
                                bien un ménétrier qui chante la langue
                                d'oc.
                                        FERDINAND LANGLE. - Fabel de
                                la Dame de la belle sagesse.


        La feuillée verte et touffue: un clerc du gai savoir qui voyage
avec sa gourde et son rebec, et un chevalier armé d'une énorme épée à
couper en deux la tour de Montlhéry.

        LE CHEVALIER: - « Halte-là! ta gargoulette, vassal; j'ai trois
grains de sable dans le gosier.

        LE MUSICIEN: - À votre plaisir, mais n'y buvez qu'un petit
coup, d'autant que le vin est cher cette année.

        LE CHEVALIER (faisant la grimace après avoir tout bu): - Il
est aigre ton vin; tu mériterais, vassal, que je te brisasse ta gourde
sur les oreilles. »

        Le clerc du gai savoir approcha, sans mot dire, l'archet de son
rebec et joua l'air magique de Jehan de Vitteaux.

        Cet air eût délié les jambes d'un paralytique. Or voilà que le
chevalier dansait sur la pelouse, son épée appuyée contre l'épaule
comme un hallebardier qui va-t-en guerre.

        « Merci! nécromant » cria-t-il bientôt, hors d'haleine. Et il
giguait toujours.

        « Oui-dà! payez-moi d'abord mon vin, ricana le musicien. Vos
agneaux d'or, s'il vous plaît, ou je vous mène, ainsi dansant, par les
vallées et les bourgs, au pas d'arme de Marsannay!

        - « Tiens », - dit le chevalier, après avoir fouillé son
escarcelle, et détachant son cheval dont les rênes étaient passées au
rameau d'un chène - « tiens! et que m'étrangle le diable si je bois
jamais à la calebasse d'un vilain! »




                    LA NUIT D'APRES UNE BATAILLE



                                        Et les corbeaux vont commencer.
                                                VICTOR HUGO.


                                I

        Une sentinelle, le mousquet au bras et enveloppée dans son
manteau, se promène le long du rempart. Elle se penche entre les noirs
créneaux de moment en moment, et observe d'un oeil attentif l'ennemi
dans son camp.


                                II

        Il allume les feux au bord des fossés pleins d'eau; le ciel est
noir; la forêt est pleine de bruits; le vent chasse la fumée vers le
fleuve et se plaint en murmurant dans les plis des étendards.


                               III

        Aucune trompette ne trouble l'écho; aucun chant de guerre n'est
répété autour de la pierre du foyer; des lampes sont allumées dans les
tentes au chevet des capitaines morts l'épée à la main.


                                IV

        Mais voici que la pluie ruisselle sur les pavillons; le vent
qui glace la sentinelle engourdie, les hurlements des loups qui
s'emparent du champ de bataille, tout annonce ce qui se passe d'étrange
sur la terre et dans le ciel.


                                V

        Toi qui reposes paisiblement au lit de la tente, souviens-toi
toujours qu'il ne s'en est fallu peut-être aujourd'hui que d'un pouce
de lame pour percer ton coeur.


                                VI

        Tes compagnons d'armes, tombés avec courage au premier rang,
ont acheté de leur vie la gloire et le salut de ceux qui bientôt les
auront oubliés.


                               VII

        Une sanglante bataille a été livrée; perdue ou gagnée, tout
sommeille maintenant; mais combien de braves ne s'éveilleront plus ou
ne se réveilleront demain que dans le ciel!




                       LA CITADELLE DE WOLGAST.



                                        - Où allez-vous? qui êtes-vous?
                                        - Je suis porteur d'une lettre
                                pour le lord général.
                                        Woodstock. - WALTER SCOTT.


        Comme elle est calme et majestueuse la citadelle blanche, sur
l'Oder, tandis que de toutes les embrasures les canons aboient contre
la ville et le camp, et les couleuvrines dardent en sifflant leurs
langues sur les eaux couleur de cuivre.

        Les soldats du roi de Prusse sont maîtres de Wolgast, de ses
faubourgs et de l'une et de l'autre rive du fleuve; mais l'aigle à deux
têtes de l'empereur d'Allemagne berce encore ses ailerons dans les plis
du drapeau de la citadelle.

        Tout à coup, avec la nuit, la citadelle éteint ses soixante
bouches à feu. Des torches s'allument dans les casemates, courent sur
les bastions, illuminent les tours et les eaux, et une trompette gémit
dans les créneaux comme la trompette du jugement.

        Cependant la poterne de fer s'ouvre, un soldat s'élance dans
une barque et rame vers le camp; il aborde: « Le capitaine Beaudoin,
dit-il, a été tué; nous demandons qu'on nous permette d'envoyer son
corps à sa femme qui habite Oderberg sur la frontière; lorsqu'il y aura
trois jours que le corps voguera sur l'eau, nous signerons la
capitulation. »

        Le lendemain, à midi, sortit de la triple enceinte de pieux qui
hérisse la citadelle une barque, longue comme un cercueil, que la ville
et la citadelle saluèrent de sept coups de canon.

        Les cloches de la ville étaient en branle, on était accouru à
ce triste spectacle de tous les villages voisins, et les ailes des
moulins à vent demeuraient immobiles sur les collines qui bordent
l'Oder.




                           LE CHEVAL MORT.



                                        Le fossoyeur: - Je vous vendrai
                                de l'os pour fabriquer des boutons.
                                        Le pialey: - Je vous vendrai de
                                l'os pour garnir le manche de vos
                                poignards.
                                        La Boutique de l'Armurier.


        La voirie! et à gauche, sous un gazon de trèfle et de luzerne,
les sépultures d'un cimetière; à droite, un gibet suspendu qui demande
aux passants l'aumône comme un manchot.

                                  *
                                *   *

        Celui-là, tué d'hier, les loups lui on déchiqueté la chair sur
le col en si longues aiguillettes qu'on le dirait paré encore pour la
cavalcade d'une touffe de rubans rouges.

        Chaque nuit, dès que la lumière blémira le ciel, cette carcasse
s'envolera, enfourchée par une sorcière qui l'éperonnera de l'os pointu
de son talon, la bise soufflant dans l'orgue de ses flancs caverneux.

        Et s'il était à cette heure taciturne un oeil sans sommeil,
ouvert dans quelque fosse du champ de repos, il se fermerait soudain,
de peur de voir un spectre dans les étoiles.

        Déjà la lune elle-même, clignant un oeil, ne luit plus de
l'autre que pour éclairer comme une chandelle flottante ce chien,
maigre vagabond, qui lape l'eau d'un étang.




                              LE GIBET.



                                Que vois-je remuer autour de ce gibet?
                                        FAUST.

        Ah! ce que j'entends, serait-ce la bise nocturne qui glapit, ou
le pendu qui pousse un soupir sur la fourche patibulaire?

        Serait-ce quelque grillon qui chante tapi dans la mousse et le
lierre stérile dont par pitié se chausse le bois?

        Serait-ce quelque mouche en chasse sonnant du cor autour de ces
oreilles sourdes à la fanfare des hallalis?

        Serait-ce quelque escarbot qui cueille en son vol inégal un
cheveu sanglant à son crâne chauve?

        Ou bien serait-ce quelque araignée qui brode une demi-aune de
mousseline pour cravate à ce col étranglé?

        C'est la cloche qui tinte aux murs d'une ville, sous l'horizon,
et la carcasse d'un pendu que rougit le soleil couchant.




                               SCARBO.



                                        Il regarda sous le lit, dans la
                                cheminée, dans le bahut; - personne. Il
                                ne put comprendre par où il s'était
                                introduit, par où il s'était évadé.
                                        HOFFMANN. - Contes nocturnes.


        Oh! que de fois je l'ai entendu et vu, Scarbo, lorsqu'à minuit
la lune brille dans le ciel comme un écu d'argent sur une bannière
d'azur semée d'abeilles d'or!

        Que de fois j'ai entendu bourdonner son rire dans l'ombre de
mon alcôve, et grincer son ongle sur la soie des courtines de mon lit!

        Que de fois je l'ai vu descendre du plancher, pirouetter sur un
pied et rouler par la chambre comme le fuseau tombé de la quenouille
d'une sorcière.

        Le croyais-je alors évanoui? le nain grandissait entre la lune
et moi, comme le clocher d'une cathédrale gothique, un grelot d'or en
branle à son bonnet pointu!

        Mais bientôt son corps bleuissait, diaphane comme la cire d'une
bougie, son visage blémissait comme la cire d'un lumignon, - et soudain
il s'éteignait.




                        À M. DAVID, STATUAIRE.



                                        Le talent rampe et meurt s'il
                                n'a des ailes d'or.
                                        GILBERT.


        Non, Dieu, éclair qui flamboie dans le triangle symbolique,
n'est point le chiffre tracé sur les lèvres de la sagesse humaine!

        Non, l'amour, sentiment naïf et chaste qui se voile de pudeur
et de fierté au sanctuaire du coeur, n'est point cette tendresse
cavalière qui répand les larmes de la coquetterie par les yeux du
masque de l'innocence!

        Non, la gloire, noblesse dont les armoiries ne se vendirent
jamais, n'est pas la savonnette à vilain qui s'achète, au prix du
tarif, dans la boutique d'un journaliste!

        Et j'ai prié, et j'ai aimé, et j'ai chanté, poète pauvre et
souffrant! Et c'est en vain que mon coeur déborde de foi, d'amour et de
génie!

        C'est que je naquis aiglon avorté! L'oeuf de mes destinées, que
n'ont point couvé les chaudes ailes de la prospérité, est aussi creux,
aussi vide que la noix dorée de l'Égyptien.

        Ah! l'homme, dis-le-moi, si tu le sais, l'homme, frêle jouet,
gambadant suspendu aux fils des passions, ne serait-il qu'un pantin
qu'use la vie et que brise la mort?



                                 FIN.


Denis Constales - dcons@world.std.com - http://world.std.com/~dcons/